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Logement décent
Un enjeu majeur pour l’avenir

Alors que le manque de logements en France se fait de plus en plus pressant, la question de la qualité de l’habitat reste critique. Malgré des lois censées endiguer le phénomène, trop de logements ne répondent toujours pas aux critères de décences minimaux. Dans cette nécessaire évolution, les géomètres-experts ont un rôle à jouer pour permettre d’améliorer la situation des quelque 4 millions de mal-logés que compte aujourd’hui le pays.
Samuel Ribot | Le lundi 30 septembre 2024
© nonglak / Adobe Stock

C’est une décision de justice qui est venue rappeler, si cela était nécessaire, l’importance du sujet du logement décent. Le 29 août dernier, le Conseil d’Etat a prononcé l’annulation de plusieurs dispositions du décret du 29 juillet 2023 relatif aux «règles sanitaires d’hygiène et de de salubrité des locaux d’habitation et assimilés». Le point le plus emblématique de cette décision concernait l’annulation de la possibilité ouverte par le décret de louer des logements affichant une hauteur inférieure à 1,80m sous plafond. Le texte controversé permettait en outre la location de logements en sous-sol – les fameux «souplex» – ou affichant des largeurs de pièce inférieures à 2m, dispositions elles aussi annulées. Cette décision est venue rappeler que la question de la décence des logements en France demeure un sujet de débat, mettant aux prises l’impératif de loger toute la population et une crise immobilière particulièrement tendue.
Pourtant, ces dernières décennies, le législateur a multiplié les lois. La définition légale du logement décent est ainsi encadrée par l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 (1), qui dispose qu’un logement décent «doit garantir la sécurité physique et la santé des occupants, offrir les équipements nécessaires à un confort minimum, et répondre à des critères précis de superficie, d’étanchéité et de conformité aux normes d’hygiène». Un décret du 30 janvier 2002 est venu affiner ces critères, précisant notamment que «le logement doit disposer de certains éléments, comme une aération suffisante, une installation d’eau potable, des systèmes de chauffage et de distribution d’énergie conformes, et des sanitaires appropriés». 

La performance énergétique comme mesure phare 
Plus près de nous, la loi climat et résilience de 2021 a consacré la notion de performance énergétique minimale, avec comme mesure phare celle impliquant qu’un logement inefficace sur le plan énergétique (classé G au diagnostic de performance) ne pourra plus être considéré comme décent, et donc impossible à louer, à partir de 2025. Mais les lois, si elles posent un cadre, ne suffisent pas toujours à inverser des situations profondément ancrées. En 2024, le paysage du logement en France présente des défis considérables, illustrés par deux chiffres: 2,8 millions de logements sont considérés comme «non décents» et près de quatre 4 millions de personnes sont mal logées. Au premier rang de ces dernières, les personnes âgées, les familles monoparentales, les jeunes précaires ou les personnes en situation de handicap. En se penchant plus précisément sur la question énergétique, on observe que près de douze millions de Français seraient aujourd’hui touchés par la précarité énergétique, selon l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE). Au total, 4,8 millions de logements sont considérés comme énergétiquement inefficaces, (classés F ou G sur le diagnostic de performance énergétique). Cet état de fait entraîne des conséquences directes: les ménages à faibles revenus dépensent jusqu’à 15% de leurs ressources aux dépenses énergétiques, une proportion difficilement supportable pour les petits budgets. 
Certes, les logements classés G ne pourront plus être mis à la location à partir de janvier 2025, mais la mise en œuvre de ces mesures reste complexe. Obstacle majeur: le coût moyen des travaux de rénovation, estimé à 25.000 euros par logement, que nombre de propriétaires tardent à entreprendre. Des solutions se font pourtant jour: certaines communes ont ainsi lancé des plans ambitieux afin d’accompagner cet effort et de résorber à marche forcée l’habitat non conforme aux critères du logement décent. 



Pour réduire significativement la part de logements non décents, il faudra réussir à marier performance énergétique, volonté politique, innovations techniques et juridiques. © Supavadee / Adobe Stock



L’insalubrité et ses conséquences dramatiques

Au-delà des défis énergétiques, la situation est tout aussi critique en matière de salubrité. En 2023, 2,4 millions de ménages vivaient dans des logements insalubres. Avec des conséquences parfois dramatiques, comme en 2018, à Marseille, où l’effondrement de deux immeubles situés rue d’Aubagne a causé la mort de huit personnes. Malgré les alertes de plusieurs experts, les mesures élémentaires de sécurité n’avaient pas été diligentées. Six ans plus tard, en 2024, près de 600.000 logements sont considérés par le ministère de la Transition écologique comme «insalubres», c’est-à-dire à un stade supérieur au logement non décent et présentant des risques mettant en jeu la santé ou la sécurité de l’occupant. Situés majoritairement dans des quartiers anciens ou des ensembles mal entretenus, ces habitations présentent toutes les caractéristiques du mal-logement: installations électriques défaillantes, humidité, infiltrations d’eau, moisissures... Cette situation se traduit aussi sur le plan du contentieux, comme le reflète le nombre croissant de procédures engagées contre des propriétaires. D’après la fondation Abbé-Pierre, les signalements pour logements insalubres ou indignes ont augmenté de 20% en 2024. 
La problématique du logement décent, évidemment, n’est pas réservée à la France. Ailleurs en Europe, des solutions sont mises en œuvre pour transformer un parc immobilier vieillissant voire obsolète. L’Allemagne a mis en place un programme de modernisation énergétique qui impose aux propriétaires de rénover leurs logements selon des normes strictes de salubrité et d’efficacité énergétique. Au Royaume-Uni, le programme «Decent Homes» rend obligatoire la rénovation des logements sociaux afin de garantir des standards de salubrité, de sécurité et de confort. Les Espagnols, eux, ont misé sur le «Plan Estatal de Vivienda», qui subventionne la rénovation des logements dégradés et confie aux municipalités une mission de contrôle du respect des normes de sécurité et de salubrité. Si le problème du mal-logement relève essentiellement de l’action publique, d’autres acteurs ont également un rôle majeur à jouer dans l’amélioration de la situation. Parmi eux, les géomètres-experts occupent une place centrale dans le cadre de la mise en conformité des logements. 

Respect des réglementations
Leur mission inclut le respect des règles d’urbanisme ainsi que des normes de construction, de sécurité et d’efficacité énergétique. Ils interviennent fréquemment dans les zones comprenant du patrimoine ancien, telles que les centres historiques, et sont à même de déterminer si les bâtiments rénovés respectent les exigences de confort, de sécurité, et les normes énergétiques en vigueur, telles que la RE2020. Grâce à leurs compétences juridiques, les géomètres-experts sont également sollicités pour résoudre des litiges et anticiper les difficultés liées à la réglementation ou à la structure des bâtiments. Leur intervention, enfin, est précieuse dans les copropriétés, où ils contribuent à la gestion courante et veillent à la conformité et à la sécurité des travaux effectués, garantissant ainsi le respect des réglementations en vigueur.  

(1) Modifié par la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU).


 

9 m2 minimum
En France, la surface minimale pour qu’un logement soit considéré comme décent est de 9m2 de surface habitable par occupant, avec une hauteur sous plafond d’au moins 2,20m ou un volume habitable d’au moins 20m3. Cette règle est inscrite dans le décret du 30 janvier 2002.






© Sur Ton 31, pour Géomètre





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Retrouvez ces articles et l’ensemble du dossier consacré au logement décent dans le magazine Géomètre n°2228, octobre 2024, en consultant notre page « Le magazine ».





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