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Vu du ciel
A quelle heure le prochain satellite?

La plupart des satellites d’observation sont programmés pour passer toujours à la même heure. Un horaire qui n’est généralement pas modifiable et qui conditionne ce qu’on peut observer.
Laurent Polidori | Le lundi 8 juillet 2024
L’heure de survol d’une zone par un satellite (ici Landsat-9) est décidée une fois pour toutes avant son lancement. © Nasa Goddard Space Flight Center / Licence Creative Commons

Les satellites d’observation qui évoluent en orbite basse, c’est-à-dire à quelques centaines de kilomètres d’altitude, ont une orbite dite héliosynchrone. Cela signifie qu’ils passent toujours à la même heure locale. Cela est possible grâce à une astuce qui consiste à profiter de la forme légèrement aplatie du globe terrestre pour faire tourner lentement le plan de l’orbite. Celui-ci change ainsi d’orientation à mesure que la Terre fait le tour du Soleil, et il peut se présenter toujours sous le même angle par rapport aux rayons solaires.
Les observations successives d’une même région se faisant à une heure constante, la luminosité (et donc l’aspect du terrain dans l’image) et les conditions physiques de température et d’humidité changent peu entre des images prises à des dates différentes, ce qui permet de mieux mettre en évidence ce qui a réellement changé. Dans certains cas cependant, l’horaire fixe engendre des changements indésirables, comme dans l’observation périodique du littoral où la marée n’a jamais la même hauteur d’une image à une autre; il est alors difficile de détecter, par exemple, un recul du trait de côte sous l’effet de l’érosion marine.
Les satellites Landsat (américains) et Sentinel-2 (européens), dont les données sont très abondamment utilisées pour l’observation des surfaces continentales, traversent l’équateur aux alentours de 10h30 du matin. La rosée du matin a disparu et le Soleil est haut, favorisant l’éclairement de la surface de la Terre et donc la qualité des images. Mais, en fin de matinée, des nuages ont commencé à se former, réduisant la probabilité d’avoir une image exploitable. De plus, il y a peu d’ombres, ce qui peut atténuer les contrastes et la perception des formes sur les reliefs naturels et les forêts. Ce qu’on observe est donc fortement conditionné par l’heure de passage, qui est décidée avant le lancement et n’est ensuite plus modifiée, sauf au prix de manœuvres coûteuses. 

Les avantages du radar
Pour choisir l’heure de passage d’un futur satellite, on peut recourir à des acquisitions par avion effectuées à différents moments de la journée, ou à des simulations numériques dans lesquelles une scène 3D est éclairée par un soleil virtuel placé à différentes hauteurs.
L’heure de passage ne conditionne pas seulement l’information contenue dans les images, elle a aussi des implications techniques concernant le fonctionnement du satellite. Si un satellite survole une région du globe au milieu du jour, il survole alors les antipodes au milieu de la nuit. Il traverse l’ombre de la Terre pendant près de la moitié du temps. Il ne peut alors pas recharger ses batteries, et il est inopérant dans le cas d’observations optiques qui dépendent de la lumière solaire. Le radar au contraire peut fonctionner jour et nuit, puisqu’il est actif, c’est-à-dire qu’il émet lui-même l’énergie dont il va ensuite détecter l’écho: il ne dépend donc pas de la lumière du Soleil et peut fonctionner, côté jour et côté nuit, sur la même orbite. Mais le radar peut faire encore mieux. La plupart des satellites équipés d’un radar ont une orbite qui reste en permanence à la limite entre le jour et la nuit, survolant un côté de la Terre à l’aube et l’autre côté au crépuscule. Le fait d’observer ces régions peu éclairées par le Soleil, avec des ombres très allongées, ne pose pas de problème à ce capteur qui n’a que faire de la lumière visible, et cette orbite très particulière lui permet de ne jamais entrer dans l’ombre de la Terre et donc de bénéficier en permanence de l’énergie du Soleil. Ainsi, bien choisir l’horaire est l’une des clés du succès d’une mission spatiale d’observation de la Terre.