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Vu du ciel
Les globes virtuels ouvrent les yeux et les esprits

Il y a vingt ans, Google rachetait la société Keyhole et son programme de visualisation de la surface terrestre, qui allait devenir le globe virtuel le plus populaire du monde.
Laurent Polidori | Le vendredi 1 mars 2024
Mosaïques dépareillées et mal synchronisées le long de l’Amazone. © Google Earth

Au début des années 2000, c’est à la faveur d’ordinateurs personnels devenus plus puissants et d’un nombre croissant de satellites d’observation de la Terre offrant des images de plus en plus résolues, que s’ouvre l’ère des globes virtuels. Ces mosaïques d’images assorties d’outils de navigation permettent désormais à chacun de voir sa rue et sa maison, ou d’entreprendre en quelques minutes un voyage au bout du monde, à condition d’être connecté à Internet.
La société Keyhole est pionnière, mais c’est lorsqu’elle est achetée par Google qu’une innovation prometteuse devient un produit robuste et universellement connu. Le programme Google Earth devient rapidement la référence mondiale.
Les obstacles ne vont pas manquer. Le risque de voir les images utilisées à des fins d’espionnage ou de terrorisme suscite la réticence de certains pays. Les puristes font aussi parfois la fine bouche. Il est vrai que Google n’a pris aucun engagement concernant la qualité du produit. Certes, les grands centres urbains, les sites d’intérêt touristique ou les régions que l’actualité a placées sous le projecteur des médias, attirent une quantité d’internautes qui justifie l’acquisition d’images de haute définition. Mais, sur de vastes régions suscitant moins d’intérêt, on doit se contenter d’images de résolution plus grossière, partiellement couvertes de nuages et rassemblées en mosaïques dépareillées, les clichés pouvant être acquis à des saisons différentes.
Malgré ces obstacles, ce programme ne cesse de gagner du terrain. La qualité des images progresse, en particulier la précision de localisation, et la résolution qui rend le voyage virtuel plus attractif, tandis que des initiatives similaires voient le jour, qu’il s’agisse d’autres globes virtuels ou de plateformes de cartographie nationale comme le Géoportail en France. Fort du succès de son globe virtuel, Google s’appuie sur le même outil pour offrir de nouvelles possibilités et, dès lors que chaque point de l’espace est «habillé» d’une information photographique, le voyage virtuel peut s’envisager n’importe où, notamment sur des astres que des missions spatiales ont observés de près, comme la Lune et Mars. 

Un outil pour la recherche sur l’environnement
Par ailleurs, l’outil Google Earth Engine fait le lien entre le catalogue de données et un espace de travail. Au-delà des outils élémentaires de visualisation et de navigation, il permet à chacun de programmer ses propres méthodes de traitement des images disponibles, devenant un environnement de travail de plus en plus utilisé pour la recherche sur l’environnement.
Avec le temps, le recul historique de l’observation de la Terre devient de plus en plus grand et les bases d’images présentent quarante ans d’histoire à la surface du globe depuis le lancement de Landsat-5 en 1984, plus résolu que ses prédécesseurs. Les archives d’images permettent de mettre en évidence des transformations spectaculaires dont l’application Timelapse fait un film. On n’y trouve pas la qualité qui permettrait des études historiques sérieuses, mais c’est un excellent outil de sensibilisation sur l’expansion des villes ou la dégradation des paysages naturels et, finalement, sur la vulnérabilité de notre planète. 
En facilitant ainsi les voyages virtuels dans l’espace et dans le temps, ce puissant outil de navigation, qui fait désormais partie de la vie quotidienne de tout un chacun à la faveur d’Internet, ouvre les yeux et les esprits. Il permet à de jeunes citoyens de prendre le recul nécessaire face aux défis sociaux et climatiques du monde actuel. Les puristes qui faisaient la fine bouche ne devraient-ils pas s’en réjouir?