Avis d’expert
«L’Etat n’accompagne pas assez le contrôle de la location touristique»
ARTICLE EN ACCÈS LIBRE JUSQU'AU 15 OCTOBRE
Depuis l’émergence du phénomène en 2008, près d’un million de meublés de tourisme se sont substitués à des logements de longue durée. Comment voyez-vous cette déferlante?
Guillaume Hannotin: C’est une bénédiction pour certains et une malédiction pour d’autres. Pour les communes littorales, le phénomène fait fuir les habitants au profit d’une clientèle de passage. Pour les communes de montagne, c’est une chance: les stations de ski ont été construites sur un modèle économique intégré, destiné à amortir le coût des remontées mécaniques et des infrastructures liées aux sports d’hiver. Les meublés de tourisme permettent de réoccuper les lits dits «froids», et ainsi rééquilibrer l’économie de la station. Dans les grandes villes et les métropoles, c’est aussi, comme en zone littorale, une malédiction. Leur nombre est si important que les prix du logement locatif classique explosent, avec un phénomène d’éviction de la population locale, des «familles». Le nombre de biens et de mètres carrés proposés à la location classique baisse, et les prix se maintiennent à un niveau élevé, dans un contexte de rareté du foncier et de crise globale du secteur.
Guillaume Hannotin
«Une réflexion pourrait être menée pour différencier le traitement des résidences secondaires de celui des résidences tertiaires.»
Portée par les députés Annaïg Le Meur (Renaissance, Finistère) et Iñaki Echaniz (Socialistes, Pyrénées-Atlantiques), une proposition de loi transpartisane est à l’examen pour réglementer cette activité (1). Quelles avancées peut-on espérer?
G.H.: Pour l’heure, il est prévu que la location meublée de courte durée ne peut dépasser un plafond de 120 jours par an pour les résidences principales. De son côté, le code la construction et de l’habitation encadre cette activité en permettant aux communes situées en zone tendue (celles de plus de 200.000 habitants et celles situées en zone d’urbanisation continue de plus de 50.000 habitants (2)), de soumettre à autorisation préalable le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation. Ces collectivités peuvent ainsi instaurer des règlements et fixer quotas, compensations, etc., afin d’atténuer les effets des meublés de tourisme sur le marché local du logement. Mais tous ces règlements sont systématiquement attaqués par le lobby des propriétaires. C’est un combat d’arrière-garde: en France, le droit de propriété n’est pas absolu, et le droit d’usage existe depuis toujours. Le droit au logement, lié au droit à la santé ainsi qu’à la vie privée et familiale, est prééminent. Plus globalement, l’Etat n’accompagne pas assez les communes qui prennent des règlements pour encadrer la location de meublés de tourisme: les préfets devraient soutenir plus activement les collectivités. Il faudrait aussi leur permettre d’encadrer le nombre de jours autorisés pour la location touristique, pour le réduire par exemple à 15 jours par an.
Et sur le plan fiscal?
G.H.: Une avancée a été obtenue en découplant la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) de la taxe foncière. C’était une demande de l’Association nationale des élus des littoraux. Auparavant, le code général des impôts corrélait ces deux taxes, obligeant les communes qui voulaient augmenter la THRS à en faire autant pour la taxe foncière. Par ailleurs, la loi de finances pour 2024 (art. 45) a modifié l’imposition des propriétaires de meublés touristiques. Ils pouvaient jusqu’alors bénéficier d’un abattement forfaitaire allant de 50% à 71%, contre 30% pour les locations classiques. Le texte prévoit désormais que les meublés de tourisme sont soumis à ce même abattement de 30%, dans la limite de 15.000 euros de recettes (avec un régime dérogatoire dans les zones rurales de 51%).
Quelles autres solutions imaginer?
G.H.: Il pourrait y avoir la possibilité, pour les collectivités, d’établir des zonages fins dans leurs documents d’urbanisme, pouvant aller jusqu’à interdire dans tel lot de copropriété la location de courte durée. Une réflexion pourrait être menée pour différencier le traitement des résidences secondaires de celui des résidences tertiaires. On pourrait aussi imaginer des interdictions ponctuelles comme cela a été fait à New York pour Airbnb. Ou s’inspirer de la Suisse qui, par votation, a fixé des biens interdits à l’achat pour les étrangers et les résidences secondaires...
(1) L’Assemblée nationale a voté le 29 janvier, en première lecture, cette proposition de loi.
(2) Le décret n°2023-822 du 25 août 2023 a porté le nombre de communes considérées en zone tendue à 3.690, soit 2.232 supplémentaires.