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Dispositif fiscal
Bilan en demi-teinte pour la loi Pinel

Le dispositif de défiscalisation institué en 2014 prend fin au mois de décembre. S’il a permis de loger un certain nombre de familles, son impact est resté limité et la question du logement intermédiaire, ciblée par la loi, reste entière.
Samuel Ribot | Le jeudi 19 septembre 2024
© ah_fotobox / Adobe Stock

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Lancé en 2014, le dispositif fiscal Pinel avait pour objectif initial d’encourager la construction et la rénovation de logements dans les zones tendues, c’est-à-dire là où la demande excède largement l’offre. Conçu comme un outil de défiscalisation attractif, il a rapidement trouvé sa cible, mais n’a pas échappé aux effets pervers de ce type de dispositif. Pour preuve, environ 70% des investisseurs dans un logement Pinel appartiennent au dernier décile des revenus, ce qui est assez éloigné de l’objectif initial, à savoir la mise en œuvre d’une solution permettant aux ménages modestes de mieux se loger. Surtout, le dispositif a coûté beaucoup d’argent: «Le coût pour les finances publiques s’élève à ce jour à 7,3 milliards d’euros», a indiqué le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, lors de la présentation du rapport que la juridiction lui a consacré, le 5 septembre dernier. «Si l’on prend en compte ses effets jusqu’en 2038, l’enveloppe s’élèvera sans doute à une somme comprise entre 10 et 12 milliards d’euros». 
En matière d’aide à la construction, toutefois, ce n’est pas tant à l’aune de l’enveloppe globale que de l’efficacité de la mesure qu’un tel dispositif doit être évalué. De ce point de vue, le constat est nuancé. S’il observe «un réel effet volume», avec une estimation de 250.000 logements construits depuis 2014, Pierre Moscovici a regretté que, de manière plus générale, «quarante années d’incitation fiscale [aient] créé une dépendance des constructeurs vis-à-vis de ce type de dispositif». Or, indique le président de la Cour des comptes, «la vocation première de ces dispositifs n’est pas de favoriser la construction immobilière mais de permettre à des locataires d’accéder à un logement». En l’espèce, dans le cadre de la loi Pinel, un habitat d’une surface moyenne de 57m2 situé dans un immeuble collectif et principalement en zone tendue. Le public visé, lui, réunit des ménages modestes – «petits foyers», personnes seules ou jeunes couples – respectant des plafonds de ressources définis au moment de leur entrée dans le logement, lequel doit être loué pendant une durée de 6, 9 ou 12 ans et ouvre droit à une réduction d’impôt progressive pour le propriétaire.



Pierre Moscovici, lors de la présentation du rapport de la Cour des comptes sur le dispositif Pinel, le 5 septembre. © S. Ribot



Retour des biens dans le circuit classique du parc immobilier

Si «les logements construits grâce au Pinel ont permis à de nombreux ménages modestes d’accéder à des logements de qualité, avec des loyers plafonnés», constate la Cour dans son rapport, l’objectif de constituer un parc locatif intermédiaire pérenne n’a en revanche pas été atteint. «Ce que montre notre étude, a souligné Pierre Moscovici, c’est que les propriétaires ont tendance à vendre leur logement à l’issue du dispositif.» Le retour de ces biens dans le circuit classique du parc immobilier privé enclenche une hausse mécanique des loyers, anéantissant ainsi l’effet du dispositif sur le logement intermédiaire. 
Le constat est donc mitigé, même si l’étude de la CDC souffre du manque de données disponibles permettant de mesurer l’efficacité réelle du dispositif. Pas plus la Direction générale des finances publiques (Dgfip) que la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (Dhup) ne sont en effet en mesure de chiffrer avec exactitude le nombre de logements construits ou rénovés grâce au Pinel. En l’absence de contrôles automatisés de l’administration fiscale concernant les critères d’éligibilité, il est impossible d’évaluer précisément l’impact global du dispositif sur le marché immobilier. Non seulement le Pinel «est un dispositif compliqué qui favorise les erreurs, observe le président de la Cour des comptes, mais ses résultats se révèlent imparfaits». Aux yeux de la Cour, comme de très nombreux élus locaux, le prochain dispositif gagnerait à la mise en œuvre d’une réelle territorialisation des politiques du logement. Certaines régions ont d’ailleurs expérimenté des solutions, par exemple en Bretagne (lire ci-dessous), où un zonage plus ciblé a permis de densifier les centres-villes et de limiter l’étalement urbain. 
Avec la fin programmée du dispositif Pinel d’ici la fin du mois de décembre 2024 et alors que la question de l’accessibilité au logement figure au cœur des préoccupations des Français, les pouvoirs publics vont devoir réfléchir à une alternative. L’une des pistes serait de flécher davantage le futur dispositif vers les investisseurs institutionnels. «La piste de la mobilisation des investisseurs institutionnels est à envisager sérieusement», confirme le président de la Cour des comptes, qui laisse entendre que la Caisse des dépôts et consignations (CDC) aurait déjà manifesté son intérêt. Faudrait-il également revoir le montant des dépenses engagées dans le cadre de ce futur mécanisme? «La question n’est pas forcément de raboter telle ou telle dépense, prévient Pierre Moscovici, mais plutôt de s’interroger sur la qualité de ces dépenses en travaillant sur le ciblage, la pérennité du dispositif et la qualité des logements produits.»  



Le bon élève breton

L’expérimentation du dispositif Pinel en Bretagne, lancée en 2020, se distingue par un zonage plus ciblé, qui s’est concentré sur les zones tendues, où la demande de logements intermédiaires dépasse l’offre. A Rennes, plus de 1.500 logements ont été construits dans le cadre du dispositif Pinel en trois ans. Dans les petites communes et les villes moyennes comme Brest et Quimper, on observe une augmentation de 12% du nombre de logements rénovés dans le cadre du Pinel. Un résultat intéressant et un effort qui contribue en outre à réduire l’artificialisation des sols. Entre 2020 et 2023, environ 3.600 logements ont été construits ou rénovés en Bretagne grâce au dispositif, soit une hausse de près de 15% par rapport aux années précédentes. Le chiffre est encourageant, mais reste toutefois modeste au regard des besoins estimés par la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), laquelle évoque la nécessité de construire 450.000 logements neufs par an à l’échelle nationale. L’expérience bretonne démontre en revanche que, dans une région où le besoin en logements intermédiaires varie selon les endroits, un zonage plus fin permet d’avoir des effets positifs. Un modèle similaire appliqué à l’échelle nationale pourrait, selon certains experts, augmenter de 5 à 10% l’offre de logements intermédiaires.