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L’arbre
Des racines et des règles

Face au défi climatique et aux enjeux contemporains en matière d’habitat et de biodiversité, la conservation des arbres est devenue un enjeu majeur du XXIe siècle. Maltraité depuis des décennies dans les espaces urbains, souvent délaissé ailleurs, l’arbre reprend aujourd’hui toute sa place dans les projets d’aménagement. Le géomètre-expert, en contact quotidien avec le végétal, maîtrise l’ensemble des règles qui encadrent son implantation à l’échelle des villes, des forêts comme à celle des propriétés.
Samuel Ribot | Le jeudi 2 mai 2024
Au-delà de ses nombreuses ­missions spécifiques, le rapport du géomètre-expert à l’arbre est ­permanent. © ronstik / Adobe Stock

Le géomètre expert, qu’il exerce en ville, en milieu périurbain ou en milieu rural, dans la quasi-totalité de ses activités professionnelles, entretient un rapport quotidien à l’arbre et aux plantations. C’est évident lorsqu’il est chargé d’une opération d’aménagement forestier, s’il doit cuber, avant la vente ou le partage de famille, le volume de bois d’une parcelle de pins maritimes, ou encore estimer une propriété agricole dont certaines parcelles sont boisées. Mais, bien au-delà de ces missions spécifiques, le rapport du géomètre-expert à l’arbre est permanent.
Dans le domaine relatif à la définition des limites de propriété, certaines coutumes locales indiquent que telle ou telle essence est utilisée comme «borne». Lors d’une division foncière, si l’on veut éviter les conflits ultérieurs, il y a ainsi tout intérêt à analyser les conséquences d’une ligne divisoire qui passerait à proximité d’un arbre de haute tige dont les branches surplomberont, après la division, la propriété voisine. Si la limite est fixée au ras d’un jeune arbre, celui-ci grossira en partie chez le voisin. Par sa position, le géomètre-expert est le médiateur naturel des conflits fonciers. Sa responsabilité est de tout faire pour les éviter ou, s’ils existent, tenter de les résoudre. Lorsqu’il est amené à proposer au juge le tracé d’une servitude de passage, il ne pourra pas s’exécuter si l’assiette est un espace boisé classé. Et cela même si le tracé en question est, conformément aux dispositions du Code civil, le plus court et le moins dommageable.

De retour en ville
Plus généralement, dans toutes les opérations d’aménagement, du petit lotissement au parc résidentiel de loisir, l’arbre et les plantations seront présents. Le cahier des charges peut préserver certains sujets, le projet d’aménagement conduire à en planter d’autres. Pour toutes ces situations, les fondamentaux du rapport entretenu par le géomètre-expert avec l’arbre sont d’abord issus du Code civil, du code rural, de ceux de la voirie routière et de l’environnement, autant de textes qui encadrent de manière précise et détaillée les problématiques liées à l’arbre et aux plantations. 
Dans la perspective d’une amélioration du cadre de vie durable, champ privilégié du géomètre-expert d’aujourd’hui, il convient aussi de s’intéresser de manière plus systématique à la place de l’arbre dans l’aménagement. C’est ce que font quotidiennement les professionnels spécialisés dans l’aménagement foncier agricole forestier et environnemental, en apportant à la fois leurs compétences techniques mais aussi, et peut-être surtout, leur sens du dialogue. De ces concertations, et du travail fourni par le géomètre-expert, naissent au cœur des espaces boisés des zones redécoupées, rationalisées, sécurisées et pacifiées, qui continueront d’accueillir promeneurs, agriculteurs, forestiers et chasseurs dans un équilibre des usages retrouvé. Encore insuffisante, cette activité, encadrée par la délivrance d’un agrément ministériel, est incontestablement porteuse d’avenir pour la profession. 


3.000 milliards  
D’après une étude internationale dont les conclusions ont été rendues en 2015, la Terre compterait environ 3.040.000.000.000 arbres!

17,3 millions  
La forêt couvre 17,3 millions ­d'hectares en France métropolitaine, soit 31% du territoire.



L’arbre est aussi de retour en ville. Pendant des décennies, on l’a malmené au profit de la folle activité citadine: racines coupées ou entravées, essences inadaptées, accès à l’eau et à la lumière contrariés... Partout, désormais, on loue les vertus du végétal. L’arbre serait la solution aux maux de la ville contemporaine que sont la sécheresse, la chaleur, la pollution et même le stress. Pour réussir ce retour de l’arbre en ville, il faut peut-être commencer à mieux l’envisager dans la cartographie des paysages urbains, en lui réservant la place qu’il mérite et, pourquoi pas, en recensant sa forme, sa circonférence et son altimétrie. Au cœur de Paris, on plante aujourd’hui des forêts urbaines. C’est le cas place de Catalogne, dans le XIVe arrondissement, où une œuvre d’art minérale a été remplacée par 4.000m2 d’une forêt constituée de 470 arbres.
En ville comme à la campagne, l’arbre est en train de regagner ses lettres de noblesse. En l’apprivoisant, en s’en faisant un allié et en l’intégrant dans sa réflexion, le géomètre-expert a un rôle éminent à jouer dans la réconciliation entre les humains et la nature. Il est des missions moins exaltantes.