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Gouvernance
Concilier deux casquettes

Romain Buraud et Delphine Cassassolles sont géomètres-experts et dirigeants. A travers deux entretiens, ils nous livrent leur vision du management et du recrutement.
| Le lundi 3 mars 2025
© feeling lucky / Adobe Stock


« Un dirigeant défend ses convictions et les intérêts de ses salariés »

En matière de politiques RSE (responsabilité sociale des entreprises), il y a les règles faciles à adopter (qui utilise encore des gobelets en plastique?), les incontournables (pratiques d’achats responsables, politique de réduction des bilans carbone) et les démarches plus originales. En s’associant avec Sébastien Mecherikunnel, Romain Buraud, géomètre-expert à Paris, a créé en 2014 le cabinet Capgeo, fort de douze collaborateurs. Ils ont fait le choix de mettre en place une convention de mécénat de compétences avec la Fondation des Petits Frères des Pauvres.


Comment avez-vous abordé la question de la responsabilité sociale et environnementale?
Romain Buraud: Quand nous avons lancé la démarche de labellisation, nous étions déjà dans un état d’esprit RSE fondé sur le bon sens. Notre but était de formaliser un cadre pour l’améliorer. Partis de zéro, nous n’avions pas forcément en tête de modèle d’entreprise précis en termes d’architecture, de process, etc. Côté management, nous avons toujours fait le pari de la confiance a priori. Dans la prise de décisions, on associe beaucoup les collaborateurs. D’autant que, sur de nombreux sujets, certains en savent plus que moi! En fonction de leurs appétences, nous leur donnons des missions qu’ils aiment. Ce qui constitue le meilleur moyen pour qu’ils cherchent à développer par eux-mêmes leurs compétences. Pour formaliser nos engagements RSE, un cabinet externe nous a aidés. Décernée par l’Afnor en 2021, notre labellisation a été renouvelée en 2024. Notre cœur d’activité consiste à faire des relevés d’architecture en milieu très urbain, un peu de juridique, mais pas d’aménagement du territoire. Par conséquent, sur les différents volets de la RSE, le plus naturel et le plus créatif, pour nous, était le social. Une fois adoptés les bons gestes du quotidien, le volet environnemental, à mon sens, laissait peu de marge de manœuvre au niveau du cabinet.

Parlez-nous de votre engagement avec la Fondation des Petits Frères des Pauvres.
R.B.: C’est lors du premier audit en vue de la labellisation qu’on nous a suggéré le mécénat de compétences; nous l’avons mis en place en 2023. Concrètement, quand la fondation a besoin de mesurer un bien, nous délivrons la prestation gratuitement. Il y a là un triple avantage: des collaborateurs qui restent dans l’action, y compris lors des baisses d’activité; la satisfaction de participer à une bonne action; et une réduction d’impôt pour le cabinet en fonction du temps passé sur la prestation. Ce choix a vraiment du sens pour nous, comparé à d’autres initiatives qu’on voit parfois.

Comment pensez-vous être perçu par vos collaborateurs?
R.B.: Je crois qu’ils apprécient d’avoir un dirigeant qui questionne certaines tendances, qui n’imite pas le voisin sans réfléchir. Je prône une certaine souplesse, incite aux débats, aux pas de côté, non pas par esprit de rébellion mais pour s’imposer de penser par soi-même: un dirigeant, c’est quelqu’un qui défend ses convictions, les intérêts de ses salariés, mais aussi le bon sens qu’on oublie parfois. Il ne faut pas s’interdire d’imaginer d’autres possibles dans le métier. Mon rôle, c’est aussi d’inciter les gens à la réflexion individuelle, à questionner le cadre et les lois, pour le bien du collectif.


 

« On ne peut pas être bon partout : le recrutement est un métier à part entière »

Il y a dix-huit ans, Delphine Cassassolles et son mari Jean se sont associés en région Auvergne-Rhône-Alpes, en faisant l’acquisition d’une structure riche de cinq collaborateurs. A l’été 2024, leur secrétaire «historique» a pris sa retraite. Pour la remplacer, ils ont fait appel à une consultante externe, en charge de ce recrutement si essentiel au bon fonctionnement du cabinet Cassassolles.


Comment avez-vous pris conscience qu’il fallait déléguer ce recrutement?

Delphine Cassassolles: Par principe, on estime qu’en étant chef d’entreprise à notre échelle, celui d’un petit cabinet, il faut savoir tout faire: informaticien, technicien, réparateur, dénicheur de formations... Dans un climat complexe, le «super-héros» est parfois fatigué! Et force est de constater qu’on ne peut pas être bon partout: le recrutement est un métier à part entière. Depuis des années, nous recrutions des alternants sans véritable analyse de leur profil. Nous sommes évidemment capables d’évaluer une candidature sur le plan technique, mais qu’en est-il sur le plan humain? La nouvelle recrue est-elle un choix pertinent pour la cohésion d’équipe? A-t-elle des appétences insoupçonnées, utiles pour le collectif? Nous avons donc fait appel à une personne que j’avais rencontrée dans le cadre d’un bornage. Elle a commencé par nous faire passer des tests pour mieux nous connaître et être en mesure d’établir des compatibilités. Parmi les deux profils qu’elle nous a proposés, nous sommes tombés sur la perle: Maryline, ex-responsable RH dans une grande entreprise de luxe de vente au détail. Un profil atypique, que je n’aurais pas forcément ciblé moi-même.

Finalement, ce recrutement a dépassé vos attentes...
D.C.: Totalement. En tant qu’attachée de direction, Maryline fait un peu de secrétariat, de comptabilité et nous accompagne dans la prise de rendez-vous. Elle rédige aussi des rapports d’expertise: nous collaborons étroitement pour apporter une note constructive à notre duo. Mais surtout, bien que nous ne l’ayons pas recrutée pour des problématiques RH à la base, elle nous fait bénéficier de son savoir accumulé en la matière. Elle nous a apporté de la méthode, de la rigueur, de la discipline sur la nécessité des entretiens annuels, par exemple. Toutes ces obligations qui s’imposent à un dirigeant mais qu’on ne fait pas forcément bien, par manque de temps. Avoir sous-traité le recrutement de Maryline a été l’une des meilleures décisions que nous ayons prises. Cela ne balaie pas toutes les angoisses, mais ça les allège!

Qu’est-ce qui a changé depuis, dans votre façon de manager?
D.C.: Manager est pour moi un bien grand mot. Nous sommes une équipe. On assiste à un vrai rééquilibrage: les relations de «manager» à «managé» ne veulent plus dire grand chose. On collabore. Ce qui n’empêche pas d’améliorer le cadre, bien au contraire, mais ensemble. Avec mon mari, nous nous considérons aux antipodes de l’image du chef d’entreprise «leader». Nous assumons de ne pas avoir de grande stratégie d’expansion. Pérennité et fidélisation des équipes nous importent plus que tout. Sur notre site est écrit «Un cabinet familial, de taille humaine, avec une équipe stable». Tout est dit.





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