Vu du ciel
Des satellites pour convaincre les sceptiques
Jusqu’au milieu du XXe siècle, on ne pouvait pas démontrer que la Terre était ronde sans un raisonnement sophistiqué. Depuis quelques décennies, il suffit en principe pour convaincre les sceptiques, de deux ou trois photos prises par des satellites géostationnaires sous des perspectives différentes.
Aujourd’hui, les attitudes sceptiques portent surtout sur les dégradations de l’environnement et la transformation du climat. Les événements catastrophiques, comme les inondations qui ont endeuillé l’Espagne et précédemment le sud du Brésil, ne sont pas toujours comprises comme les manifestations de plus en plus fréquentes d’une évolution inexorable, tandis que les transformations lentes passent facilement inaperçues. Le citoyen qui n’adapte pas son mode de consommation et le gouvernement qui ne signe pas les traités internationaux fondent généralement leur positionnement sur une négation de l’évidence. Pourtant, les données spatiales offrent une vérité globale, transparente, accessible et vérifiable. De plus, la diversité des observations effectuées confirme les différentes manifestations de l’évolution annoncée.
Un consensus au sujet de l’élévation des mers
La fonte des glaces polaires, confirmée par des mesures lidar dont le satellite ICESat-2 de la Nasa est le plus gros fournisseur, provoque une élévation du niveau des mers, menaçant à brève échéance les villes côtières. Ce phénomène est mesuré depuis plusieurs décennies par altimétrie radar. La précision conduit à un consensus sur une élévation de l’ordre du demi-centimètre par an, et la résolution plus fine des nouveaux satellites comme le franco-américain Swot permet en outre de suivre les perturbations des cycles hydrologiques continentaux. En Amazonie, les cours d’eau sont au plus bas et l’océan envahit l’estuaire d’une eau transparente et salée. Tandis que les riverains et les pêcheurs s’en inquiètent, les satellites optiques enregistrent un changement de couleur spectaculaire. En matière de réchauffement, si le bon vieux thermomètre permet à chacun de constater les températures et leur évolution d’année en année, l’imagerie thermique met en évidence la distribution spatiale du phénomène et l’apparition locale de chaleurs extrêmes dans les régions déboisées ou urbanisées. On attend ainsi du futur satellite franco-indien Trishna une surveillance accrue des îlots de chaleur urbains.
Une communication facilitée
Si les manifestations d’un changement global sont devenues indiscutables, les causes font également l’objet d’une surveillance continue. Celle qui s’impose le plus clairement au regard des satellites est la déforestation. Facilitant une appropriation des terres en vue d’activités lucratives de culture et d’élevage, son contrôle in situ est dangereux et les observations faites par satellite sont souvent contestées. Il est vrai qu’il existe des niveaux variables de dégradation de la forêt qui rendent délicate une définition objective de la déforestation, et que les algorithmes de détection ont une certaine marge d’erreur, ce qui conduit parfois à discréditer les données publiées. Pourtant, les observations menées pendant cinquante ans depuis les premiers satellites Landsat, sont sans appel et de plus en plus convaincantes à la faveur du progrès des instruments et des algorithmes. C’est une condition indispensable à la lutte contre un fléau qui favorise non seulement le réchauffement par la perte de biomasse, mais aussi les maladies, l’érosion des sols et la dégradation de la biodiversité. Enfin, si la donnée en elle-même apporte une preuve de la dégradation de l’environnement et du climat, le fait qu’elle se présente sous forme d’images facilite la communication auprès du grand public et des autorités politiques et finit ainsi par rendre intenables les attitudes climato-sceptiques.