Cadre de vie
La fondation Abbé-Pierre dénonce les «logements-bouilloires»
ARTICLE EN ACCÈS LIBRE JUSQU'AU 15 OCTOBRE
Les records de chaleur se succèdent année après année et la tendance s’aggrave. Selon un rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), entre 2024 et 2028, la température moyenne mondiale devrait dépasser chaque année de 1,1°C à 1,9°C les valeurs de la période de référence 1850-1900. Il est en outre probable qu’au moins l’une de ces années devienne la plus chaude jamais enregistrée, détrônant ainsi l’année 2023. Année qui avait elle-même été marquée en France par le quatrième été le plus chaud depuis le début du XXe siècle. Au cœur de cette fournaise, la fondation Abbé-Pierre s’est intéressée aux conditions de vie des Français et à la façon dont leur logement les protège ou pas de la chaleur. Le bilan, rendu public le 22 août, est aussi accablant que les températures: 55% des Français déclarent ainsi avoir eu trop chaud dans leur logement en 2023.
Comment expliquer une telle situation? Le rapport de la fondation identifie plusieurs causes: des logements mal isolés et mal ventilés, ainsi que l’absence d’espaces extérieurs ou de volets pour se protéger des rayons du soleil. Or, soulève le rapport, «l’adaptation des logements ne figure toujours pas au cœur des politiques de rénovation et de lutte contre la précarité énergétique. Ces dernières s’intéressent principalement à la réduction de la consommation d’énergie, à la décarbonation des modes de chauffage et au maintien d’une température minimale dans le logement». Du côté de la fondation Abbé-Pierre, on regrette que «le sujet de l’adaptation des bouilloires thermiques [soit] absent des obligations de rénovation pour les bailleurs et continue de se heurter à des freins réglementaires et patrimoniaux qui empêchent l’installation de protections solaires ou l’application de couleurs claires en façade et en toiture». Sur le plan sanitaire, le rapport rappelle que la chaleur a été à l’origine de la mort de 5.000 personnes en 2023, dont 1.500 pendant les canicules, selon Santé publique France.
Sans surprise, les premiers exposés à ce risque sont les personnes âgées, les jeunes, et les ménages modestes. «Cette vulnérabilité, observe la fondation Abbé-Pierre, s’explique notamment par la morphologie urbaine des quartiers populaires, dont le manque d’espaces verts et la bétonisation favorisent les îlots de chaleur urbains.»
Pour endiguer ce phénomène, le rapport contient plusieurs propositions adressées à l’Etat, aux collectivités et aux propriétaires. Il insiste notamment sur la nécessité d’«intégrer systématiquement des travaux d’adaptation aux vagues de chaleur aux rénovations énergétiques subventionnées par l’Etat: isolation thermique, installations de protections solaires, ventilation adéquate, couleurs claires pour les toits, murs et volets, brasseurs d’air et végétalisation». Autres demandes de la fondation, «intégrer la notion de chaleur aux critères de décence des logements, faciliter la réalisation de travaux grâce à l’évolution du DPE et des règles de protection du patrimoine et enfin instaurer un plan “grand chaud” permettant de protéger les personnes sans abri et habitants de lieux de vie informels, particulièrement vulnérables lors des canicules».
La double peine
«Majoritairement locataires et sans moyens techniques et financiers pour effectuer des rénovations, les plus modestes subissent la double peine des conséquences du dérèglement climatique alors même qu’ils ont les moins importants contributeurs. Bien au-delà de l’euphémisme du “confort d’été”, c’est l’habitabilité des logements et leur capacité à protéger leurs habitants des conséquences sanitaires et sociales de la chaleur qu’il est urgent de prendre en compte.»
(Christophe Robert, délégué général de la fondation Abbé-Pierre)