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Assises nationales de la sobriété foncière
Aménagement et biodiversité, un mariage indispensable

Consacrée à la sobriété foncière en zone forestière et à la préservation de la biodiversité, la séance locale de Fort-de-France a permis de comprendre comment les écosystèmes pouvaient être fragilisés par l’aménagement. Heureusement, des solutions existent.
Samuel Ribot | Le mercredi 24 juillet 2024
Sud de la Martinique. © manta94 / Adobe Stock

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La sobriété foncière en zone forestière et biodiversité

• Séance locale de Fort-de-France
• Mercredi 3 juillet, 14h30 heure locale



A Fort-de-France, la nature est partout: en mer, en bordure de route, dans les plaines et jusque sur les hauteurs de l’île. Pourtant, dans cette zone privilégiée des Caraïbes aussi, le risque environnemental prend de l’ampleur. «Nous assistons à la destruction de nombreuses zones de conservation de la biodiversité, qui mettent nos écosystèmes en danger alors que nos outremers abritent 100.000 espèces animales et végétales. Alors, aujourd’hui, on va se dire les choses!» Avec Ariane Laventure, géomètre-experte installée en Guadeloupe et présidente de la séance locale consacrée à la biodiversité, le ton est donné. Et ce n’est pas Audrey Pastel, auteure d’une thèse sur l’adaptation au changement climatique en Martinique, qui la démentira. «Nous faisons face à une accélération de la hausse du niveau des mers, de l’ordre de 4mm par an, à un renforcement des phénomènes extrêmes mais aussi à une acidification des océans qui touche la mangrove, les coraux et les herbiers marins». Aux Antilles, les conséquences de ces changements sont spectaculaires: augmentation des pluies cycloniques et de la hauteur des vagues, diminution de la saison des pluies et élévation visible du niveau de la mer. «Ces facteurs, qui ont déjà des conséquences, vont directement impacter notre façon d’aménager le territoire.» Et les changements vont devoir être rapides, dans la mesure où la plupart des zones d’activité économique de la Martinique telles que l’aéroport, les zones commerciales et les axes routiers, sont tous menacés de submersion.

Le ZAN, un «objectif quantifiable»
Sur le plan de la biodiversité, le danger peut aussi venir de l’extérieur. Des plantes exotiques envahissantes, par exemple, dont l’importation peut venir bouleverser des écosystèmes entiers et face auxquelles les territoires insulaires doivent se protéger «en réglementant les importations mais aussi en formant et en sensibilisant les populations aux risques potentiellement véhiculés par des espèces en apparence inoffensives», souligne Jeanne de Reviers, urbaniste paysager de formation, membre du Conservatoire botanique de la Martinique. Pour Alexis Cefber, cheffe du service connaissance, prospective et développement territorial à la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal) de Martinique, la préservation de la biodiversité passe aussi par la capacité de concilier les usages en matière d’aménagement du territoire. «Nous devons être capables de déterminer par anticipation les zones à artificialiser et les zones qui nécessiteront une désartificialisation.» Pour encadrer cette démarche, il est essentiel d’adapter les schémas de cohérence territoriale (Scot) et les plans locaux d’urbanisme (PLU), estime-t-elle. Or, le ZAN, «en dessinant un objectif quantifiable», permet d’insuffler une dynamique en ce sens.
A sa suite, Michel Greuzat, géomètre-expert, et Benoît Bonté, ingénieur en aménagement paysager, se sont penchés sur des écosystèmes à la fois extrêmement riches et éminemment fragiles: les zones humides. Le premier a rappelé «l’importance des zones humides pour la biodiversité». Or, a ajouté le géomètre-expert, «si l’on veut protéger, il est essentiel de connaître». Un diagnostic préalable également défendu par Benoît Bonté: «Il faut savoir délimiter les zones humides en fonction de critères pédologiques et floristiques, puis être en mesure d’expliquer à nos clients l’importance des prescriptions spécifiques à ces zones». Confirmation de Michel Greuzat: «Les zones humides remplissent des fonctions très importantes et jouent un régulateur très performant par rapport à leur environnement». Il voit même un atout essentiel dans cette phase de diagnostic, qui permet, «si les enjeux sont identifiés en amont d’un projet, de faire d’une contrainte un réel atout». D’autant que le géomètre-expert peut intervenir dans la délimitation de la zone humide, mais aussi dans la cadre de l’étude de fonctionnalité ou de la constitution d’un dossier de compensation. 

Le rôle essentiel joué par les procédures d’Afafe
Autre milieu naturel, autres contraintes. Philippe Couture, géomètre-expert spécialisé dans l’aménagement foncier agricole forestier et environnemental (Afafe) est venu souligner les risques pesant sur les forêts hexagonales: «Alors qu’on demande aux forêts et aux zones rurales de protéger les zones urbaines, les risques qui pèsent sur les forêts en raison de la sécheresse et des températures élevées ont déjà des effets sur les populations de chênes pédonculés, de hêtres et de châtaigniers...» Pour favoriser la protection de ces espaces, il a défendu le rôle essentiel joué par les procédures d’aménagement foncier agricole forestier et environnemental, présentées comme «de véritables aventures humaines permettant aux acteurs des territoires de participer à l’élaboration de leur propre environnement». Localement, l’attention portée aux espaces naturels et forestiers doit être sans cesse renouvelée, a confirmé Jeanne de Reviers pour le Conservatoire botanique de la Martinique: «Le choix des essences lors des opérations d’aménagement est très important, a-t-elle rappelé. Plus on utilisera des essences locales et autochtones, plus on diminuera les impacts et la pression sur l’écosystème local». 
Dans le cadre de l’aménagement du territoire, «il nous faut penser des solutions pour préserver notre environnement, en réduisant par exemple la pression sur les littoraux», confirme Audrey Pastel. A terme, en Martinique des pans entiers de l’appareil productif ou une infrastructure majeure telle que l’aéroport international devront sans doute être déplacés face aux assauts des éléments. Des chantiers immenses, qui devront aussi s’articuler avec la nécessaire préservation de la biodiversité. 
«C’est un véritable changement de paradigme, observe Ariane Laventure. Une transformation que nous allons tous réussir ensemble, d’autant qu’il existe, comme nous l’avons vu avec nos intervenants, un certain nombre d’outils qui peuvent nous aider dans cette mission de préservation de la biodiversité.» Pour la présidente de séance, «le message, c’est que les petits ruisseaux font les grandes rivières et que nous sommes tous, à notre échelle, responsables de notre impact sur la biodiversité». 



TÉMOIGNAGE
«Comme tous les écosystèmes, la mangrove est précieuse et fragile»


© D.R.

Face à la situation alarmante d’une parcelle de mangrove, Doris Joseph Marie-Luce, responsable du service environnement et cadre de vie à la mairie du Lamentin, a coordonné une opération qui a permis d’identifier les maux et de mettre en place des mesures de préservation de cet écosystème.

« Mon histoire avec la mangrove a débuté il y a plusieurs années. Nous avions bien observé que la mangrove de la baie de Génipa avait un problème, mais nous n’étions pas parvenus à faire un diagnostic complet. Nous avions en revanche une certitude: cette mangrove, qui nous rend tant de services, avait besoin de nous. 
Le déclic est arrivé avec la visite d’une délégation venue de Santiago de Cuba, avec laquelle Le Lamentin est jumelé depuis 1996. Sur leurs conseils, nous avons entrepris de réaliser un inventaire rapide biologique, social et technologique de cette mangrove de la baie de Génipa. 
Pendant trois semaines, en juin 2013, nous avons travaillé à identifier les espèces présentes, mais aussi les pressions humaines ou agricoles et les pratiques des différentes communautés sociales afin de comprendre quelle pouvait être leur influence sur le milieu naturel. 
Nous avons associé les entreprises locales, qui se sont prises au jeu, et les enfants des écoles de la commune afin de les former à la préservation de la biodiversité. Et nous avons identifié un triptyque de végétaux, que nous avons surnommé «la bande de malfaiteurs», qui étaient en train, aidés en cela par des déversements d’eau douce, d’asphyxier notre mangrove! 
Nous avons donc listé un certain nombre de recommandations et de bonnes pratiques afin de mettre en place un programme de préservation et de gestion de notre mangrove. Il s’agît essentiellement d’éduquer les gens comme les entreprises à limiter leurs rejets d’eau douce et d’eaux pluviales 
Nous avons également recommandé la mise en place de zones tampons afin de protéger la mangrove. Les géomètres-experts, dont j’ai découvert l’engagement grâce à ces Assises, peuvent nous aider dans notre démarche: ils disposent des compétences nécessaires et leur zone d’intervention leur permet d’avoir une influence significative en matière d’aménagement. 
Comme tous les écosystèmes, la mangrove est à la fois précieuse et fragile, c’est pourquoi nous avons tous besoin de nous mobiliser pour la préserver. »





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Retrouvez ces articles et l’ensemble du dossier consacré aux Assises nationales de la sobriété foncière dans le magazine Géomètre n°2226, juillet - août 2024, en consultant notre page « Le magazine ».





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