ABONNEZ-VOUS

Densification douce
Faire rimer sobriété foncière et qualité de vie

Comment répondre à la fois au désir de 80% des Français, qui privilégient la maison individuelle dans leur cadre de vie, et au besoin du pays de préserver ses indispensables espaces naturels et agricoles? La «densification douce», une technique d’urbanisation qui s’appuie sur l’existant en optimisant les surfaces et volumes potentiellement exploitables, est une voie à explorer dans la perspective du ZAN.
| Le mercredi 3 avril 2024
La densité horizontale et la densification douce peuvent être des solutions à la crise du logement. © S. Ribot

L’urbanisation pour l’habitat est l’une des activités humaines les plus prédatrices de l’environnement. Elle représente la moitié du foncier consommé chaque année, dont 95% pour le pavillon. Or, là où s’implantent les zones urbaines étalées, la nature est durablement altérée: perte de biodiversité dans et sur le sol, émissions de gaz à effet de serre, réduction des capacités de stockage du gaz carbonique, altération des capacités de renouvellement des nappes phréatiques, exposition accrue aux risques naturels et technologiques. En raison de leur histoire familiale, les Français restent viscéralement attachés à l’idée de devenir propriétaires, de préférence d’une maison. Mais le modèle pavillonnaire n’est plus soutenable. L’habitat dense individuel (HDI), connu sous la forme des maisons de bourg et maisons de ville, répond à ces injonctions sociétales, environnementales et économiques.
Pourtant, le marché du logement neuf ignore étrangement ce «produit», caricaturé en raison d’une supposée promiscuité et de l’exiguïté de ses jardins. L’habitat dense individuel ne mérite pas ce regard. Au contraire, dans la me­su­re où il demande en moyenne une petite maille urbaine, adap­tée aux enjeux urbains contemporains comme la lutte contre la consommation d’espace, le re­nouvellement urbain et la den­sification des tissus peu bâtis, il forme des tissus compacts acceptables et désirables. L’habitat dense individuel est en réalité le chaînon manquant de la production de logements neufs.

Peu de réponses en zones périurbaines et rurales
Le marché n’a répondu aux injonctions de densité que sous forme collective en zone tendue, dopée par les dispositifs fiscaux. Le marché a si peu apporté de réponse dans les zones péri-urbaines et dans les zones rurales depuis vingt ans – la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) de l’an 2000 voulait déjà lutter contre l’étalement – que le législateur a mis en œuvre le processus de zéro artificialisation nette. Le ZAN est un dispositif en deux temps avec une injonction de densité avant 2031 et une injonction de densification en 2050. Leur mise en œuvre doit débuter immédiatement.
La densité horizontale et la densification douce pourraient être des solutions à la crise du logement si, au lieu de détruire et de reconstruire, on choisissait enfin de densifier l’existant en mettant l’accent sur la qualité de vie des habitants, la préservation des espaces verts et la réduction de l’empreinte écologique. La particularité de la densification douce est qu’elle privilégie une approche progressive de l’urbanisation, en faisant le choix de favoriser des projets de petite et moyenne échelles, aptes à s’intégrer de manière «organique» dans le tissu urbain existant. Elle encourage par ailleurs la mixité des fonctions urbaines et se donne pour ambition de créer, à l’inverse des zones pavillonnaires, des quartiers complets et autonomes, réduisant en outre, autre sujet majeur des années à venir, la dépendance des habi­tants vis-à-vis de déplacements motorisés.
Pour le géomètre-expert, c’est aussi un formidable vecteur d’activité. D’abord au stade des études préliminaires, en évaluant la faisabilité du projet, puis à celui du diagnostic, en identifiant les contraintes physiques et réglementaires. La phase d’aménagement peut également lui per­mettre d’intervenir, en déterminant quelle est la meilleure utilisation des parcelles de terrain disponibles, mais en tenant aussi compte des normes d’urbanisme, de la réglementation en matière de densité et de la préservation des espaces verts. Même possibilité au stade de la délimitation des espaces publics et privés. Le géomètre-expert pourra déli­miter les espaces publics (parcs, rues, places) et privés (terrains résidentiels, bâtiments), garantissant ainsi une gestion efficace du foncier et permettant la création d’espaces de vie fonctionnels.
Il peut par ailleurs contribuer à l’intégration des infrastructures urbaines telles que les réseaux routiers, les réseaux d’eau et d’assainissement, les réseaux électriques. Il peut également proposer des solutions pour les équipements publics (écoles, centres de santé, équipements sportifs) en veillant à optimiser à la fois leur emplacement et leur accessibilité. Enfin, au stade du suivi et contrôle des travaux, le géomètre-expert peut intervenir pour garantir le respect des plans, des normes de qualité et de sécurité.