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Ordre des géomètres-experts
«Je suis attachée au dialogue, à la collégialité et au débat»

Devenue présidente au lendemain de la disparition de Joseph Pascual, Séverine Vernet a dû prendre les rênes d’une institution qu’elle connaissait bien dans des circonstances particulières. Son action, explique-t-elle, s’inscrira dans la continuité du mandat de son prédécesseur, avec le souci de rassembler la profession autour de projets et de valeurs communes.
Propos recueillis par Samuel Ribot | Le lundi 1 avril 2024
«Tous les confrères ne sont pas emballés par le ZAN mais, dans la mesure où la loi va s’imposer à tous, il va être essentiel de profiter de ce moment pour tout poser sur la table, écouter les avis – aussi divergents soient-ils – et trouver une manière d’avancer ensemble.» © M. Meniane

Comment s’est passée votre arrivée à la tête de l’OGE, dans des circonstances dramatiques?
Séverine Vernet: La première chose dont j’ai envie de parler, c’est de la perte de l’homme. Joseph était un être hors normes du fait de sa capacité de travail et de la qualité de sa relation aux autres. C’était une personne à laquelle je m’étais attachée et auprès de laquelle j’aurais eu encore beaucoup à apprendre. Sa disparition brutale a d’ailleurs été ressentie très intensément par les géomètres-experts. Nous avons reçu énormément de témoignages, de messages, qui ont donné l’image d’une profession qui a su faire corps dans ce moment douloureux. J’en ai ressenti une réelle fierté, qui a succédé à une immense tristesse et qui a précédé ce qui m’attend désormais, c’est-à-dire une grande responsabilité.

Comment s’est réorganisé l’Ordre à la suite de cet événement?
S.V.: D’abord, les textes prévoient qu’en cas de vacance de la présidence, le premier vice-président lui succède à la tête de l’OGE (1). C’est ce qui s’est produit. Ensuite, nous avons la chance d’avoir une institution qui est solide, avec un directeur général et une équipe de collaborateurs qui savent parfaitement faire fonctionner l’institution. Il y a quelque chose de très rassurant à être dans une maison dont les fondations sont solides, même si nous avons traversé une épreuve commune.

Quelle est la suite du processus?
S.V.: La question de la présidence, comme nous venons de l’évoquer, est réglée jusqu’à l’élection de 2025. En revanche, le Conseil Supérieur, qui comptait 22 membres, n’en compte plus que 21. Il va donc falloir procéder à l’élection d’un 22e membre, qui sera un membre élu. Un appel à candidatures a été lancé le 26 mars, puis les membres des conseils régionaux voteront. 
Le résultat sera connu lors de la réunion du Conseil supérieur du mois de mai. A cette occasion sera également élu un nouveau premier vice-président. 

Vous aviez déjà la charge de l’organisation des Assises nationales de la sobriété foncière, qui est le prochain grand événement pour la profession. Pouvez-vous nous en résumer l’enjeu?
S.V.: Ces Assises ont pour ambition de promouvoir le thème de la sobriété foncière et donc l’horizon dessiné par le zéro artificialisation nette (ZAN). Mais nous voulons le faire de manière pédagogique et, surtout, ouverte. C’est-à-dire en lien avec les autres professionnels du cadre de vie, afin que nous réfléchissions collectivement à la meilleure manière d’appliquer ce texte qui s’impose à nous. Notre ambition est non seulement de poser «les bonnes questions» mais aussi d’y apporter les réponses les plus pertinentes, de formuler les propositions les plus efficaces afin d’appréhender comment l’aménagement au sens large peut évoluer, en tenant compte à la fois des obligations légales et des contraintes de terrain auxquelles les géomètres-experts 
et les autres professionnels vont être confrontés.

On sent que le sujet de la sobriété foncière «monte» dans la société. Cela doit vous conforter dans le choix de ce thème...
S.V.: En effet, nous travaillons déjà depuis un moment sur ce sujet, mais nous voyons par exemple que les acteurs de l’immobilier s’en saisissent, que la sphère politique s’en empare, que l’actualité lui donne de plus en plus de place, qu’un acteur comme le Conseil supérieur du notariat vient de lancer une étude sur l’habitat et le logement... Nos assises interviennent en effet au cœur d’un débat qui monte et qui va préoccuper de plus en plus de Français dans les années à venir. 

Quels sont les atouts des géomètres-experts dans cette perspective du ZAN?
S.V.: Le géomètre-expert a l’avantage d’être présent partout. Il connaît le terrain, les territoires et leurs élus, tout comme il connaît les professionnels du cadre de vie. C’est un professionnel incontournable, au fait des réalités des territoires, de leurs problématiques d’aménagement et des textes qui les régissent. Le géomètre-expert a une place unique, puisqu’il est à la jonction de plusieurs domaines de compétences: immobilier, urbanisme, foncier, copropriété... Autant de thèmes qui sont au cœur de la sobriété foncière et que les géomètres-experts travaillent tous les jours. L’aménagement foncier, du plus petit au plus grand, c’est depuis toujours le domaine de prédilection des géomètres-experts.

Où en sont les chantiers initiés dans le cadre du programme «Géomètre-expert 2030»?
S.V.: Le programme suit son cours, qu’il s’agisse du travail sur l’expérience client, de la transparence de nos instances ou de la volonté d’associer plus encore nos confrères à la vie de la profession. Joseph Pascual était très attaché à cette notion, au fait que les confrères se sentent impliqués dans la vie de la profession et de ses évolutions. Nous poursuivrons évidemment ce chantier auquel il tenait tant. Bien entendu, les sujets liés à l’évolution de la formation et à l’accessibilité de la profession sont toujours au centre de nos préoccupations, mais ce sont des chantiers qui demandent plus de temps.

Vous êtes devenue présidente de l’OGE au moment où Cécile Taffin était réélue à la tête de l’UNGE. Dans un métier plutôt masculin, y voyez-vous un symbole?
S.V.: C’est un sujet auquel je suis sensible, mais je ne suis pas quelqu’un qui brandit sa féminité comme un étendard. Dans mon parcours ordinal, je n’ai jamais eu l’ambition ultime d’être présidente. Mais c’est un engagement qui demande du temps et de l’investissement. Et l’un des facteurs qui ont joué dans ma détermination, c’est qu’il y avait d’autres femmes derrière moi qui pouvaient trouver là un repère, un signal leur indiquant que cela était possible. Je pense donc que, sur ce plan, ma présidence est importante par rapport au message que cela envoie. Maintenant, si je regarde la situation, je constate qu’il y a peu ou prou 50% d’hommes et 50% de femmes dans la société, et que ce rapport est de 85/15 chez les géomètres-experts. Je n’ai pas d’avis sur le fait de savoir si c’est bien ou pas, mais je me dis qu’il y a incontestablement là une marge de progression.

Comment avez-vous envie de faire vivre votre présidence?
S.V.: Je vous avoue que j’ai eu peu de temps pour formaliser complètement cette question. Mais ce que je peux vous dire, c’est que je suis attachée au dialogue, à la collégialité, au débat. J’aime entendre les avis des uns et des autres, m’appuyer sur les expertises et dégager des synthèses, y compris sur les sujets éventuellement clivants. J’attache une grande importance à la pédagogie, à l’écoute et à l’explication des décisions. Ce qui n’empêche évidemment pas de trancher lorsque cela s’avère nécessaire. A cet égard, les Assises seront un bon exercice. On sait que tous les confrères ne sont pas emballés par le ZAN mais, dans la mesure où la loi va s’imposer à tous, il va être essentiel de profiter de ce moment pour tout poser sur la table, écouter les avis – aussi divergents soient-ils – et trouver une manière d’avancer ensemble en adoptant une position raisonnée et raisonnable.  

(1) Décret n°96-478 du 31 mai 1996, article 77: «Lorsque, pour quelque cause que ce soit, le président du Conseil supérieur cesse ses fonctions avant le terme de son mandat, le premier vice-président lui succède pour la période restant à courir jusqu’à ce terme».