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Avis d’expert
«Risques: il faut favoriser l’implication civile et citoyenne»

Incendie, inondation, accident industriel, attentat... Les risques majeurs sont multiples et doivent être appréhendés le plus en amont possible. Mais le changement climatique précipite les choses et les besoins sont toujours plus nombreux. Culture du risque, résilience territoriale... François Giannoccaro, directeur de l’Institut des risques majeurs (Irma) fait le point.
Propos recueillis par Caroline Reinhart | Le vendredi 27 septembre 2024
© Christian / Adobe Stock

ARTICLE EN ACCÈS LIBRE JUSQU'AU 15 OCTOBRE

Né en 1988 à Grenoble, l’Irma est un référent national en matière de prévention des risques majeurs. Quelle était l’ambition originelle de l’association? Quelles sont ses principales activités? 
François Giannoccaro: Initiée par le ministère de l’Environnement et le conseil départemental de l’Isère, la création de l’Irma s’inscrit dans la dynamique de l’opération «Isère, département pilote en prévention des risques majeurs», lancée en 1986 par le vulcanologue Haroun Tazieff. Association indépendante, l’Irma se consacre à l’assistance des territoires pour une meilleure prise en compte des risques majeurs. Elle compte aujourd’hui 300 collectivités membres et un réseau de plus de 2.000 professionnels. L’institut développe des actions de sensibilisation et de formation sur les risques majeurs pour les acteurs locaux et le grand public. Parmi ses outils phares figurent les référentiels de spécifications techniques, développés notamment pour le compte des ministères, à l’instar des guides «plans communaux de sauvegarde» de 2005 et, plus récemment, des «plans d’organisation et de mise en sûreté». Son objectif est de préparer les populations et les responsables locaux à faire face aux crises, renforcer leur capacité d’action collective et les accompagner vers la résilience territoriale.


François Giannoccaro
«En croisant les données topographiques avec des informations sur les cours d’eau, les ouvrages hydrauliques et les événements passés, les géomètres-experts contribuent aussi à produire des cartes de zones inondables, indispensables pour l’aménagement du territoire et l’urbanisme.»



Après la catastrophe AZF en 2001 ayant engendré la loi risques de 2003, puis, en 2019, l’incendie de l’usine Lubrizol, ou plus récemment la tempête Alex, où en est-on de la culture du risque en France?

F.G.: Le public est souvent absent des politiques locales de prévention des risques naturels ou technologiques. Les citoyens ne s’engagent généralement qu’après une catastrophe, à travers des élans de solidarité, en tant que sinistrés, ou pour protéger la valeur de leurs biens situés dans des zones à risques. Il est pourtant essentiel de favoriser l’implication civile et citoyenne, qui garantit notre modèle de sécurité civile à la française – fragilisé par la baisse du volontariat. L’Etat prend régulièrement de nouvelles mesures pour renforcer la culture du risque et la résilience, mais l’accent doit être mis sur le terrain auprès des collectivités, en soutenant les maires dans leurs actions de préparation de la solidarité, d’entraide intercommunale et de sauvegarde des populations. Notre institut attache une importance particulière à les soutenir pour leur préparation à la gestion de crise. Il joue un rôle-clé en accompagnant les communes dans l’organisation d’exercices de sécurité civile qui associent les populations – obligatoires depuis 2022. Notre cellule mobile d’appui aux entraînements et exercices met à leur disposition les compétences et ressources nécessaires pour concevoir des scénarios réalistes adaptés à chaque territoire, organiser et animer les exercices, puis analyser les résultats et formuler des recommandations pour améliorer les dispositifs de sécurité. Grâce à cette expertise, les communes optimisent la performance de leur organisation de crise. C’est le meilleur moyen de mobiliser massivement les populations, en les sensibilisant et en leur permettant d’appliquer concrètement les consignes de sécurité. Depuis 2018, l’Irma a réalisé 320 entraînements et exercices, impliquant plus de 5.000 responsables, avec, parfois, la participation des habitants.

Les géomètres-experts participent eux aussi à la prévention des risques majeurs...
F.G.: Leur rôle est multiforme. En matière d’inondation, ils réalisent des mesures topographiques très précises pour établir des modèles numériques de terrain, qui permettent de visualiser les zones à risque, d’évaluer les volumes d’eau potentiels et de simuler les écoulements. En croisant les données topographiques avec des informations sur les cours d’eau, les ouvrages hydrauliques et les événements passés, les géomètres-experts contribuent aussi à produire des cartes de zones inondables, indispensables pour l’aménagement du territoire et l’urbanisme. Ils réalisent aussi des suivis réguliers pour détecter les mouvements de terrain. Ces données sont importantes pour ajuster les modèles et les cartes de risques. Ils jouent également un rôle essentiel en apportant leur expertise aux collectivités pour transcrire les plans de prévention des risques naturels prévisibles dans les documents d’urbanisme. L’évolution rapide des technologies, telles que les drones et le lidar, leur permet de collecter des données plus précises et en temps réel. La montée en compétences des géomètres-experts devra se poursuivre pour exploiter ces outils et répondre aux enjeux croissants de gestion des risques.