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Avis d’expert
«L’effet DPE est réel: les propriétaires réalisent les travaux nécessaires»

Opposable depuis 2021, le diagnostic de performance énergétique (DPE) est obligatoire dans le cadre des ventes et locations immobilières. La loi climat et résilience de 2021 a fixé un échéancier pour l’interdiction de mise en location des passoires énergétiques. Un mode de calcul spécifique aux petites surfaces sera bientôt mis en place. Le point avec Nicolas Bouchard, avocat au cabinet Buniak, spécialisé en droit de la copropriété, de la construction et du droit locatif.
Propos recueillis par Caroline Reinhart | Le mardi 23 avril 2024
© ihalilyp / Adobe Stock

ARTICLE EN ACCÈS LIBRE JUSQU'AU 15 OCTOBRE

Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a annoncé en février qu’une nouvelle méthode de calcul de la performance énergétique allait s’appliquer aux petites surfaces (moins de 40m2), à partir du 1er juillet. Comment voyez-vous ces évolutions? 
Nicolas Bouchard: L’intention de la politique générale conduite en matière énergétique est louable. De la même manière, le fait que le gouvernement rectifie le tir est une bonne chose. Le dispositif initial était très contraignant et il nécessitait des assouplissements, notamment pour les petites surfaces. Mais il reste encore beaucoup de contradictions dans la manière de faire le diagnostic de performance énergétique, en constante évolution. Il faut dire qu’il y a en fait deux DPE imbriqués: le DPE individuel pour les propriétaires, et le DPE collectif pour les copropriétés. Ce dernier DPE a été rendu obligatoire par la loi climat et résilience de 2021 pour tous les bâtiments d’habitation collective, à l’échelle du bâtiment, selon un calendrier échelonné: le 1er janvier 2024 pour les immeubles en monopropriété et pour les copropriétés de plus de 200 lots; le 1er janvier 2025 pour les copropriétés entre 50 et 200 lots; le 1er janvier 2026 pour les copropriétés d’au maximum 50 lots. Or, depuis cette réforme de 2021, la méthode de calcul a déjà changé trois fois! 


Nicolas Bouchard
«Il y a en fait deux DPE imbriqués: le DPE individuel pour les propriétaires, et le DPE collectif pour les copropriétés.»



Les propriétaires ne sont-ils pas perdus avec tous ces changements?

N.B.: Cette politique d’interdiction de location des passoires thermiques est efficace. Beaucoup de propriétaires effectuent les travaux nécessaires pour ne pas être sanctionnés, et suivent ainsi le calendrier des interdictions de location fixé par la loi: à compter de 2025 pour les logements classés G, de 2028 pour les logements classés F et de 2034 pour les logements classés E. Il y a d’abord eu un vent de panique, qui a poussé à la vente de ces passoires thermiques. Puis, les nouveaux propriétaires ont commencé à faire les travaux. L’effet de cette politique est réel sur les propriétaires, tout comme les copropriétés, qui mettent ces travaux à l’ordre du jour.
 
Dans le giron de Bercy depuis peu, la politique énergétique pourrait prendre un tournant «tout électricité», en modifiant par exemple le coefficient de conversion énergétique du diagnostic de performance énergétique pour éviter de favoriser le chauffage au gaz...
N.B.: L’idée de sortir du gaz n’est pas mauvaise. L’intention est louable, car nous en importions beaucoup de Russie et, depuis le conflit en Ukraine, nous manquons de cette ressource; il y a aussi eu des accidents de canalisation... Mais je ne crois pas que l’on puisse totalement en sortir: l’électricité est certes une énergie décarbonée, mais ses prix explosent! Là encore, il y a des mouvements contradictoires et il faut être conscient du risque de marche arrière.

Quelles sont les incidences de ces évolutions sur votre pratique? 
N.B.: L’arrêté fixant la nouvelle méthode de calcul de la performance énergétique pour les petites surfaces n’est pas encore paru [au 31 mars – Ndlr], mais il doit entrer en vigueur le 1er juillet prochain, d’après le texte soumis à la consultation. Pour l’instant, nous sommes donc dans une phase d’information des propriétaires. Nous sommes dans l’explication, la persuasion, et c’est quelque chose qui est compris. 
Comme annoncé par le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, l’Ademe propose déjà des simulations de calcul de sa nouvelle étiquette énergétique en fonction des nouvelles règles qui seront applicables aux petites surfaces, sur le site de l’observatoire DPE-Audit. Le contentieux viendra peut-être plus tard...