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Avis d’expert
«Le jour où la demande immobilière repartira, on manquera d’offre»

Alors que le secteur tire la sonnette d’alarme depuis plusieurs années déjà, la crise du logement et de l’immobilier s’installe dans l’Hexagone. Les derniers chiffres du ministère le confirment: en mai 2024, le nombre de permis de construire était à un niveau historiquement bas, tout comme celui des mises en chantier. La fédération des promoteurs immobiliers (FPI) tente d’ouvrir les yeux des décideurs publics sur cette catastrophe annoncée. Son président, Pascal Boulanger, évoque cette conjoncture néfaste, entre causes et remèdes éventuels.
Propos recueillis par Caroline Reinhart | Le mardi 6 août 2024
© goodluz / Adobe Stock

ARTICLE EN ACCÈS LIBRE JUSQU'AU 15 OCTOBRE

Selon les chiffres dévoilés le 28 juin par le ministère de la Transition écologique, les permis de construire des maisons individuelles ont atteint leur niveau le plus bas en France depuis au moins l’année 2000. Comment cette crise s’est-elle installée?
Pascal Boulanger: Il y a deux raisons qui expliquent ce faible niveau des permis de construire. Lors des dernières élections municipales, certains maires ont été élus sur un programme de rejet de l’acte de construire par la population. Or, ils ne veulent – ou ne peuvent – pas agir contre l’avis de leurs électeurs. Nous sommes donc parfois confrontés à des refus de signer les permis. Depuis novembre 2022 s’ajoute à cela la montée des taux d’intérêt. Résultat, la demande s’est effondrée. Il n’y a plus de dépôt de permis, car on essaie déjà d’écouler les programmes engagés. Nous sommes à un stade où ce sont les opérateurs qui retirent leurs propres projets. Pour avoir une idée de l’ampleur de la crise, il faut regarder trois chiffres: les demandes de permis autorisées, les lancements commerciaux et les réservations. Aujourd’hui, ce n’est pas parce qu’un permis a été délivré que l’opération ira au bout... 
Cette crise est violente et profonde. Il y’a d’abord eu la crise de l’offre, puis la flambée du coût des matières premières, conjuguée à l’inflation normative. Tout cela a fait monter les prix. Nous sommes donc arrivés à la limite du système. La hausse des taux d’intérêt a organisé l’insolvabilité de la demande. 

Emmanuel Macron et Bruno Lemaire ont récemment esquissé un mea culpa sur la politique du logement menée depuis 2017...
P.B.: L’idée était de faire baisser les prix, mais il y a eu confusion entre logement neuf et logement ancien, qui ont des dynamiques et ressorts différents. Comme l’a reconnu le ministre de l’Economie devant le Mouvement des entreprises de France (Medef), ils n’ont pas fait assez pour le logement, c’est certain. Et le peu qui a été fait n’est pas allé dans la bonne direction. 


Pascal Boulanger
«Pour avoir une idée de l’ampleur de la crise, il faut regarder trois chiffres: les demandes de permis autorisées, les lancements commerciaux et les réservations.»



La baisse des taux d’intérêt suffira-t-elle à relancer la demande? 

P.B.: Cela ne suffira pas, mais cela va dans le bon sens. Mais la dissolution de l’Assemblée nationale a été une nouvelle déflagration, alors qu’on commençait à entrevoir un début d’embellie. 300.000 emplois pourraient disparaître: le secteur de la promotion immobilière employait 35.000 salariés, nous sommes désormais passés à 27.000. Et cette baisse des effectifs se retrouve partout, du petit promoteur aux majors du secteur. Les départs en retraite ne sont pas remplacés, et les personnes licenciées partent dans d’autres métiers – une grande perte pour le secteur. Les dossiers restent dans les placards, et des opérateurs sont contraints d’abandonner des fonciers achetés. Tout cela contribue à faire baisser la demande. Résultat, le jour où elle repartira, on manquera d’offre! La politique menée jusqu’ici n’est pas la bonne: les prix n’ont pas baissé et, lorsque l’activité repartira, l’inflation reprendra le dessus... 

Une fiscalité adaptée pourrait-elle résoudre la crise?
P.B.: C’est un sujet essentiel. Dès le début de son mandat, Emmanuel Macron a remplacé l’impôt sur la fortune par l’impôt sur la fortune immobilière. Cette année, c’est le dispositif d’incitation fiscale Pinel qui doit disparaître fin 2024. Clairement, on a trop stigmatisé l’immobilier. Il est temps que nos dirigeants se réveillent. Il a malheureusement fallu qu’il y ait une claque électorale pour qu’ils reconnaissent n’avoir pas fait assez pour le logement. Mais, si la prise de conscience est là, ça bloque encore à Bercy et à l’Elysée. Je souhaite donc que le prochain gouvernement, quel qu’il soit, prenne enfin le taureau par les cornes en matière de logement.