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Vu du ciel
Avec Sentinel-2C, l’Europe aiguise son regard sur la planète

Avec la mise en orbite de ce satellite européen d’observation de la Terre, Arianespace conforte sa position et promet une nouvelle moisson d’images de la surface terrestre.
Laurent Polidori | Le mercredi 18 septembre 2024
Le 5 septembre à 03h50 CEST (4 septembre 22h50 heure locale), dernier vol du lanceur Vega, qui va placer en orbite le satellite Sentinel-2C. © ESA / S. Corvaja

Dans la nuit du 4 au 5 septembre 2024, le lanceur Vega a quitté le Centre spatial guyanais pour aller placer sur son orbite, à près de 800km d’altitude, le nouveau satellite imageur de l’Agence spatiale européenne, Sentinel-2C. Ce succès est important pour deux raisons, liées au lanceur et au satellite transporté. Il s’agissait du tout dernier lancement de Vega, cette petite fusée italienne qui lance des satellites légers depuis 2012, permettant ainsi à Arianespace de compléter son offre, son gros lanceur Ariane 5 étant plutôt dédié à des charges lourdes. Avant de disposer de Vega, l’Agence spatiale européenne confiait la mise en orbite de ses satellites les plus légers à des lanceurs russes et indiens. Avec ses deux fusées, l’Europe devenait autonome et pouvait à peu près tout lancer. Le succès du dernier vol de Vega permet d’effacer en partie le souvenir de quelques échecs récents, alors qu’il cède la place à un modèle plus puissant: Vega-C, déjà en opération et dont les premiers succès ont conduit à la décision d’arrêter Vega. Vega-C succède à Vega comme Ariane 6 vient de succéder à Ariane 5 et l’Europe confirme ainsi son autonomie spatiale.
Le satellite Sentinel-2C, lui, vient rejoindre ses prédécesseurs Sentinel-2A et Sentinel-2B, garantissant la pérennité de cette mission d’observation de la Terre par imagerie optique. Avec treize bandes spectrales allant du bleu à l’infrarouge et une résolution de 10, 20 ou 60m selon les bandes, Sentinel-2 est loin d’être le système imageur le plus performant par ses caractéristiques instrumentales, mais il est fiable, gratuit et répond aux besoins du plus grand nombre. Lancés en 2015 et 2017, les deux aînés fonctionnent en tandem depuis sept ans. Chacun d’eux repasse au-dessus de chaque point du globe tous les dix jours, mais le recours à deux satellites placés en opposition sur la même orbite double la cadence et réduit à cinq jours la période de revisite. 



Décollage de la fusée Vega, vol VV24, depuis le port spatial de l’Europe en Guyane française. © ESA-Cnes-Arianespace / Optique vidéo du CSG / S. Martin



Une mosaïque sans nuage

C’est ce qui fait le grand intérêt de cette mission, laquelle permet de suivre les transformations du paysage liées notamment au cycle saisonnier de la végétation ou aux perturbations du climat. Cette cadence élevée permet même d’éliminer les nuages, pourtant opaques dans les longueurs d’onde optiques: en cinq jours les nuages se sont déplacés tandis que le paysage, lui, n’a guère eu le temps de changer. Ainsi, la portion du terrain qu’un nuage a cachée dans l’image du lundi a de fortes chances d’être visible dans l’image du samedi suivant, et la fusion des deux images (voire davantage si nécessaire) permet d’obtenir une mosaïque sans nuage, dont les pixels ont été obtenus à des dates différentes mais assez rapprochées.
Bien que les satellites Sentinel-2A et Sentinel-2B fonctionnent correctement, il était prudent d’en placer un troisième en orbite, prêt à prendre la relève de l’un des deux autres en cas de défaillance. La mission Sentinel-2 est une composante essentielle du programme Copernicus de l’Union européenne. Anciennement nommé Gmes (Global monitoring for environment and security), le programme Copernicus est le service d’observation de la Terre de l’Europe comme Galileo est son service de positionnement. Le succès du lancement de Sentinel-2C par Vega est important à double titre: il permet à l’Europe de lancer au monde un signal quant à sa capacité de lancer, et un autre lié à son rôle dans la surveillance de l’environnement planétaire.