Condamnation
Devoir de conseil, un manquement condamnable
Une commune reproche aux consorts «K...», propriétaires exploitant une activité de ball-trap, d’empiéter sur des terrains communaux et les met en demeure de cesser l’empiétement. Sans vérifier si ses clients bénéficiaient de la prescription acquisitive sur la partie des terrains communaux qu’ils occupaient, leur avocat leur suggère de faire une offre d’achat à la commune. Cette offre étant faite par lettre du 10 novembre 2010, le conseil municipal la refuse et assigne les occupants en expulsion.
C’est dans ce cadre que ceux-ci soutiennent être devenus propriétaires des parcelles occupées par prescription trentenaire, prescription acquise selon eux depuis 2008. Or, les deux éléments constitutifs de la possession permettant de prescrire, sont le corpus (la maîtrise matérielle du bien) et l’animus domini (l’intention d’agir comme propriétaire). Le fait d’avoir fait une proposition d’achat montrait à l’évidence que les occupants ne se considéraient pas comme propriétaires et que leur possession était équivoque. Par un arrêt de 2016, leur demande de revendication de la propriété des parcelles occupées est donc très logiquement rejetée. Les consorts «K...» assignent alors en responsabilité leur avocat pour manquement à son devoir de conseil en leur ayant suggéré de formuler une offre d’achat à la commune.
La cour d’appel de Rouen, dans sa décision du 25 janvier 2023, écarte pour l’avocat mis en cause tout manquement à son devoir d’information et de conseil. Mais ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation (Cass.1 civ., 26 juin 2024, 23-15.035, inédit) qui, s’appuyant sur l’article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 (lire ci-dessous), casse la décision aux motifs «qu’il résultait des constatations des juges du fond que le défaut de conseil quant à la possibilité pour les consorts “K...” de se prévaloir de la prescription acquisitive découlait d’une absence de recueil par leur avocat d’éléments concernant les terrains en cause».
L’avocat aurait dû évoquer devant ses clients la notion de prescription acquisitive, leur poser des questions et solliciter la production de pièces allant en ce sens.
L’article 1147 du Code civil
«Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.»